••• La psychologie pour les nuls. [Free]

Invité

16h05.

L’université de Brown n’était pas inactive. Loin de ces collèges et lycées qui, dès les quinze heures passés, se la coulait douce. Si certains professeurs de la faculté donnaient encore de leur temps aux étudiants avides de savoir, il en est un qui avait tout sauf l’envie d’inculquer quoique ce soit aux siens.

Clyde McArthur, professeur fraichement recruté pour enseigner quelques matières de sciences-humaines, se trouvait actuellement dans un amphithéâtre. Beaucoup d’étudiants s’y trouvaient, certains pour satisfaire leur soif d’apprendre, d’autres par intérêt pour l’homme sans limite au bureau.

Il avait prévu le coup pour cette fin d’après-midi. Il dirait le moins de chose possible, tout en donnant du boulot aux jeunes gens assis dans la grande salle de cours. Assis sur son confortable fauteuil, les pieds sur le bureau, Clyde ne portait pas un grand intérêt à ce qui se passait face à lui. Pour tout dire, seul la course de Mario Kart qu’il se faisait sur sa Nintendo DS l’intéressait.

Citation :: Disserter sur le comportement psychologique de votre voisin le plus proche. Les copies seront à remettre sur le bureau à 17h, sans faute.

Écriture blanche de la craie sur le tableau, des consignes avaient été donnés. Cela pouvait paraitre culoté comme manière de travailler, surtout d’enseigner. Mais depuis les quelques jours présents à l’université, une réputation s’était déjà formée autour de Sir McArthur. En bien comme en mal d’ailleurs.

16h15.

Dans l’amphithéâtre, on pouvait dès une dizaine de minutes plus tard, entendre des chuchotements s’élever du haut des gradins. Pas assez cependant pour couvrir le son du jeu vidéo de Clyde. Devait-il s’en faire ? Pas le moins du monde. Le boulot imposé aux élèves le laisserait tranquille pour un moment, et si quelqu’un n’était pas d’accord, il était libre de partir. En contrepartie d’un zéro, bien évidemment.

Sarah avait décidé d'assister aux cours de psychologie en auditrice libre. Avec son petit cercle de cruches gloussantes, elle s'était installée au milieu de l'amphi, dans la section de droite. Le sujet imposé par le professeur était dur, mais pas trop. Il était bizarre, d'ailleurs, ce prof. Cassidy lui avait, le jour de la rentrée, lancé le défi de l'allumer. Sarah l'avait relevé, pour ne perdre la face, et avait rempli les conditions imposées par son amie.

Elle s'était bien amusée, et une fois le défi gagné, avait expliqué au prof qu'il ne s'agissait que d'un défi, et qu'il n'appartenait pas vraiment au rayon dans lequel elle faisait ses courses en temps ordinaire. Tout ça, elle l'avait expliqué très poliment, correcte jusqu'au bout des ongles, sur un ton d'excuse.

McArtur avait fait une drôle de tête, et un éclat bizarre était passé dans son regard. Depuis, elle avait commencé à recevoir des lettres anonymes, des coups de téléphone étranges, et ses affaires avaient tendance à se déplacer de leur propre volonté. Sarah n'avait que des soupçons à l'encontre du prof, rien de concret - et ses cours était trop intéressants pour qu'elle cesse d'y assister.

16h45.

Elle avait écrit six pages sur le comportement obsessionnel de sa voisine de gauche, apparemment perturbée car son capuchon de stylo ne le fermait pas correctement... et qui, depuis une demi-heure, le tortillait dans tous les sens pour rectifier cette erreur de la nature, en se mordant férocement l'index gauche. Fille bizarre. Sarah diagnostiqua un TOC, et se décala de quelques centimètres, histoire de mettre ses propres phalanges à l'abri.

Elle relut sa copie de A à Z, rectifia quelques tournures maladroites et quelques fautes malavisées, puis referma sa copie après en avoir numéroté les pages de son écriture soignée. Elle rassembla ses quelques feuilles de brouillon éparses, remit ses stylos dans sa trousse, et s'appuya plus confortablement au dossier de son siège.

Croisant les mains sur ses genoux, elle attendit que l'heure se termine. Tout en haut de l'amphi, les trois dernières rangées faisaient apparemment leur travail en commun, et sous une table du troisième rang, devant elle, elle pouvait apercevoir deux brunettes engagées dans des activités qui n'impliquaient la psychologie que de très loin.

Invité

16h30.

Toujours plongé dans son jeu, Clyde n’avait bougé qu’une seule fois le temps de changer de position, prenant place sur le bureau lui-même cette fois-ci. N’importe qui dans la salle devait apercevoir ce sourire amusé, vainqueur, qu’il affichait sur son visage. De toute évidence, il gagnait encore et encore avec son plombier fictif. Son comportement changea cependant, au fur et à mesure que le temps passait.

16h47.

S’il quelqu’un dans la salle avait eut l’idée d’étudier le profil de Clyde McArthur, nulle doute qu’il aurait tenu le filon d’une réussite incontestable. Il n’y avait plus de sourire sur son visage de salaud, plus rien si ce n’est les signes d’une mâchoire crispée. Voilà ce qui arrivait lorsqu’il mettait la difficulté au maximum, terminant ailleurs qu’à la première place.
Ce qui retentit dans la salle fut alors un bruit sec, provenant du bureau lui-même. Le poing de Clyde venait de s’abattre sur le bois avec violence.

Avec une vivacité à en étonner plus d’un, Clyde McArthur se releva d’un bond, prenant marche dans l’allée principale de l’amphithéâtre. Il fit quelques mètres, sans plus, avant de redescendre et sortir de la salle. Salle dans laquelle il revint cinq minutes plus tard avec une canette de soda et une barre chocolatée.
Il avait fini de jouer, mais l’heure n’était pas terminée, elle. Quoi de plus étonnant pour un élève de voir un professeur manger, alors qu’eux même trimait pour se dépatouiller d’un devoir qui, de toute manière, n’avait aucune espèce d’importance pour Clyde. La plupart auront la note minimum, d’autre la note maximum. Ainsi va la vie d’un enseignant je-m’en-foutiste.

Qui se trouvait dans son cours d’ailleurs ? Une occasion de le savoir tandis que le Pshhht de l’ouverture du soda attira quelques regards envers lui, n’ayant comme réponse qu’un geste de dédain de la tête. Buvant quelques gorgées, Clyde balaya les rangs d’un regard inquisiteur. Des bimbos au premier rang, ben voyons. Quelques rangées plus hautes se trouvaient une troupe de bigleux, ordinateur portable comme support, sale geek. Plus haut encore, un groupe de jeune fille qui attira l’attention particulière de Clyde.

Sarah Isael et ses amies. Tout du moins c’est ce qu’elles semblaient être. Ses yeux bleus restèrent à la fixer durant d’intenses secondes, jusqu’à ce qu’elle croise son propre regard. Un semblant de sourire s’étira alors de ses lèvres, un sourire qui n’avait rien d’amical. Il était 16h55 quand cela arriva.

Interrompant la rêverie observatrice de Sarah, le poing de McArthur s'abattit violemment sur son bureau professoral. Mâchoire crispée, œil noir : ooooh, aurait-il perdu ? La petite musique crispante qui s'échappait de sa console ne lui était pas inconnue, loin de là. Elle l'avait supportée pendant toutes les vacances pendant que le fils de la femme de ménage jouait à Mario Kart sur sa console.

D'ailleurs, à la fin des vacances, elle avait craqué et confisqué ladite console - et passé deux jours à jouer comme une tarée, récoltant une magnifique foulure du pouce. Quelque part au fond d'elle, la partie "gentille" de Sarah compatissait à la frustration du prof. En surface, la partie plus mauvaise se réjouissait de la tension que provoquait chez lui un simple jeu.

Le prof sortit de la salle à grands enjambées énergiques. Sarah en profita pour repêcher une feuille de brouillon vierge dans sa pile personnelle et, ouvrant sa trousse, y pêcha un marqueur noir, et commença à griffonner négligemment pour s'occuper les mains.

Une fois le prof revenu - et le pshiiiiit de la canette indiquant que c'était l'heure du goûter - les murmures de la salle se calmèrent et Sarah put reprendre sa rêverie. Oui, un goûter : voilà ce qui lui ferait du bien. Des crêpes toutes chaudes avec une montagne de chantilly, et beaucoup, beaucoup de crème de marrons. Et du Nutella et de la banane aussi... Sarah, gourmande dans l'âme, se lécha les lèvres et décida que, ce soir, ce serait repas-crêpes. Sa ligne impeccable pouvait bien se le permettre, et de toute manière, le cheerleading éliminerait tout ça en un rien de temps...

Son sourire gourmand se figea net lorsqu'elle croisa le regard mauvais du prof. Il la regardait depuis son bureau, soda dans une main et barre chocolatée dans l'autre, avec un sourire vaguement menaçant. Sarah frissonna. Oui, il était tout à fait capable de la harceler... mais rien ne prouvait que c'était lui.

Pour conjurer quelque peu l'espèce de frayeur qui s'était installée en elle, Sarah saisit son marqueur et dessina frénétiquement. Elle avait un bon coup de crayon, et quelque chose lui disait que le prof n'apprécierait peut-être pas ce qu'elle esquissait. Mais zut, à la fin !! Elle n'allait pas s'écraser sans résister.

A 17h00 tapantes, elle fut dans les premiers à se lever pour rendre sa copie.

A l'intérieur, elle avait glissé sa feuille de brouillon. On y devinait sans difficulté un kart encastré dans un arbre, un mini-prof battant des bras à côté comme s'il voulait s'envoler, et une Sarah rayonnante qui applaudissait chaleureusement.

Même pas peur !

Invité

Il s’était attardé un moment sur la silhouette et le visage de Sarah. Personne n’y verrait rien d’inhabituel, après tout, qu’un professeur observe avec attention l’un de ses étudiants. Personne, même si le regard qu’il lui avait lancé possédait cette ardeur peu contenue, que beaucoup de personne avait vu auparavant, et que beaucoup verrait encore. Mordant avec envie sa barre chocolatée, Clyde délaissa cette chevelure blonde pour pencher sa tête vers l’arrière. La pendule indiquait pratiquement la fin du cours.

Le silence s’était donc, le plus simplement du monde, installé. Quoi de plus normal maintenant que McArthur avait porté un semblant d’attention à la population de l’amphithéâtre. Il était peu enclin à bosser, certes, mais peu de personne semblait posséder l’envie d’en dire mot. Tant mieux d’ailleurs.

17h00.

C’est en ces courts instants qu’on pouvait voir qui appréciait un temps soit peu le ‘charmant’ professeur de psychologie. Comme d’habitude, les gros bras descendirent du haut de la salle pour poser une bien pâle copie sur son bureau. Et comme à son habitude, Clyde les observèrent sortir sans une seule parole, juste avec ce regard qui inspirait à la fois respect et crainte. Le bon coté, c’est qu’il ne se foulerait pas pour noter ces copies-ci. D’autres après eux sortirent à leur tour, avant que Sarah ne décide, finalement, de poser sa copie sur le bureau. Chose inintéressante, mais peu intelligente de sa part, c’est qu’elle se posta non loin à attendre le reste de sa troupe.

« Sarah Magdalène Isael… C’est trop d’honneur d’assister à l’une de nos séances…» Prononça Clyde d’un ton las, mais suffisamment fort pour être entendu.

Etait-il étonnant de la part du professeur d’interpeller une étudiante assistant à son cours ? Non. Etait-il étonnant d’utiliser son nom complet, la réponse était tout autre. En effet, elle n’était pas dans le pôle d’étude dans lequel enseigner Clyde. Se pouvait-il qu’il ait en sa possession d’autres informations autres que celles-ci, plus flagrantes grâce à une recherche assidue sur sa ~~fiche~~ vie ?

Dans un élan naturel, faisant paraitre cette discussion comme simplement banale, Clyde McArthur se rapprocha de son bureau, et extirpa la copie de Sarah de la pile qui commençait à se former. A première vue, elle avait prit à cœur cette broutille d’étude psychologique. S’y intéressant vaguement, l’enseignant tomba sur quelque chose de tout autre. Rictus méprisant dans l’immédiat, l’homme fit rouler son fauteuil vers l’arrière, le faisant pivoter pour se poster face à Sarah Isael.

« Belle étude… Es-tu donc aussi douée en dessin qu’en moquerie ? » Questionna-t-il à son encontre, avec un clin d’œil à leur petite histoire.

Clyde releva son visage, soutenant le visage de la jeune fille devant qui, sans une once d’hésitation, il déchira la copie. Celle-ci finit naturellement, dans la corbeille non loin de là.

[Désolée pour ce retard... Tu ne m'en veux pas ? Les dernières semaines ont été difficiles...]

Sarah, un peu fatiguée par ces minutes de réflexion acharnées, sentit la pression retomber et se posta tranquillement près des portes pour attendre ses amies qui traînaient à leur place, comme d'habitude. C'était leur marque de fabrique : les papotages en fin de cours, les ragots, les potins. Sarah n'appréciait pas ce genre de filles plus que cela, mais elles semblaient s'accrocher à la blondinette, sans qu'elle-même n'en connaisse vraiment les raisons.

Oui, elle était populaire jusqu'à un certain niveau : son nom ne sonnait pas inconnu aux oreilles des étudiants du campus. Mais elle se sentait parfois tellement seule... Sans Ryleigh, elle aurait sans doute tourné les talons depuis longtemps. La fac n'était peut-être pas faite pour elle...

« Sarah Magdalène Isael… C’est trop d’honneur d’assister à l’une de nos séances…» Prononça Clyde d’un ton las, mais suffisamment fort pour être entendu.

L'interpellée tourna un regard faussement enjouée vers son professeur. Magdalène... Un prénom désuet que sa mère conservatrice lui avait imposé. Un prénom qui évoquait plus les madones pures et blanches que les nymphomanes insouciantes... C'était pourtant bel et bien celui de Marie-Madeleine, la première nymphomane de l'histoire écrite. Dans la bouche du prof, ce prénom sonnait comme une insulte.

Il fit rouler son fauteuil jusque devant elle, sa copie en main. Sarah avait une petite idée de ce qu'il avait en tête...

« Belle étude… Es-tu donc aussi douée en dessin qu’en moquerie ? » Questionna-t-il à son encontre, avec un clin d’œil à leur petite histoire.

Ziiiiip - il déchira le fruit de ses efforts, et cliiiic - Sarah activa l'appareil photo de son portable. Enregistrant le cliché, elle rangea ostensiblement le mobile dans son sac et repêcha sa copie naufragée.

- Je suis également douée en procédures administratives. Je suis certaine que vous trouverez mes capacités parfaitement maîtrisées, professeur."

Elle lui rendit son clin d'oeil et croisa fermement les bras. Une procédure n'aboutirait peut-être pas, mais elle n'allait pas se laisser écraser comme ça - au moins, son courage s'en trouvait raffermi.

Et ces idiotes qui n'en finissaient pas de bavasser sur leurs sièges...

» Shadows of the night [Free]
» Tous pour un et un pour tous - Jack's

••• La psychologie pour les nuls. [Free]

••• La psychologie pour les nuls. [Free]

Sujets similaires

Sujets similaires