Soleil & cigarettes. Que demander de plus en ce jour, alors qu’Andy se délectait de ses rares moments de liberté. La semaine était particulièrement chargée, et le jeune homme voulait profiter à fond des moments où il n’avait ni cours, ni séance photo avec quelconque mannequin en devenir, ni rendez-vous pseudo professionnel. Assit sur un banc bien exposé, il alluma donc une Lucky Strike, sur laquelle il tira une longue et salvatrice latte. Il joua avec ses ronds de fumée, avant que l’image des filaments translucides qui dansaient devant lui ne lui rappelle l’exposition à laquelle il avait assisté quelques jours auparavant, et ou il avait fait une rencontre des plus inattendues… Et agréables.

Il ne se souvient pas du nom de l’artiste. Un mec d’Europe du nord, une espèce d’illuminé qui courait à travers l’expo tel un animal en rut dans une espèce de combinaison de spationaute rouge. Si Andy s’en était tenu à la première impression, il se serait tiré de l’expo aussi vite qu’il était arrivé. Mais ses yeux ont rencontré l’œuvre, et il à outrepassé l’artiste. Ce mec, aussi cinglé soit-il, avait du talent. Un putain de talent, même. Tout, dans ses photos, respirait la réalité. Si l’on se tenait devant un paysage, on s’y serait cru, et Andy avait même l’impression que s’il engageait la conversation avec un des portraits, la personne lui répondrait. Mais ce fut l’immense panoramique des toits du Bronx qui attira le plus son attention. Il connaissait bien ce coin de New York, pour y avoir traîné, souvent, lorsqu’il était au lycée. Et il s’y revit. Il était absorbé, comme téléporté des années en arrière. Et, lorsqu’il à enfin réussi à détacher son regard de l’œuvre pour passer à la suite, il lui était rentré dedans.

C’était un jeune homme, peut être un petit peu plus jeune qui lui, mais trop peu pour en tenir compte. Des yeux d’un bleu irréel, et un corps chétif, tellement chétif qu’Andy eu peut de lui avoir cassé quelque chose. Mais il n’avait rien, bien heureusement. Assis sur son banc, Andy se rappela que le jeune homme, Jude, si sa mémoire ne lui faisait pas défaut, étudiait lui aussi à Brown. Peut-être allaient-ils se recroiser. Andy l’espérait, en tous cas. Il n’irait pas jusqu'à poursuivre le presque inconnu dans les couloirs de l’université, mais s’il l’apercevait, nul doute qu’il le suivrait jusqu'à pouvoir l’accoster. Tiens donc… !

Une journée de plus, une journée de plus sans d'histoire, Jude avait l'impression que sa vie était bien morose en ce moment, à part quelque événement par-ci par-là, il n'avait rien eu d'intéressant dans ces derniers jours, à part l'expo bien sur, Il en avait entendu parler de nombreuses fois, et au début il ne voulait pas y aller, mais il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis non ? Il y avait été juste parce qu'il n'avait rien eut à faire d'autre, puis ça pouvait lui donner de l'inspiration, sait-on jamais.. Finalement, il n'avait pas été déçu de sa soirée, il était resté au moins un bon quart d'heure devant juste une seule photographie, les toits du Bronx, lui, il ne connaissait pas cet endroit de New-York, tout ce qu'il connaissait bien au États-Unis, c'était Providence évidemment, il n'était jamais vraiment aller plus loin, et quand il avait vu cette photographie, c'était comme si il était, il se disait qu'il ratait surement quelque chose. Puis il lui avait foncé dedans, malgré la gêne que ça avait apporté à Jude, il ne regretta pas finalement que ce se soit passé comme ça. Parce qu'il avait fait sa connaissance, Andrew, quand il l'avait aidé, c'était presque inimaginable une telle beauté, elle était tellement puissante et intense que ça en était presque surhumain, Jude se sentait petit et minuscule face à lui, comme si c'était un Dieu, mais il avait tant de choses qui émanait de lui, c'était tellement impressionnant. Ils avaient discutés tranquillement, de l'expo', de leur vie, ils étudiait tous les deux à Brown, quand Andrew lui avait dit ça, il y avait comme une joie qui s'était surement mise à briller dans les yeux de Jude, peut-être qu'ils se reverraient, c'était possible après tout.

Il soupira doucement, l'espoir fait vivre, mais on meurt d'illusion, c'était ce que son père lui disait toujours, il était là, dans les jardins de l'université, se dirigeant vers l'un des nombreux bancs qui ornaient le parc, il aimait bien se retrouver ici et faire des croquis de l'université et du parc, pour capturer ses instants si précieux. Mais tout ce qu'il dessinait depuis ces derniers jours, c'était le visage de Andrew, il n'avait que ça en tête, il se sentait comme un jeune adolescent, comme si il était retourner au lycée, mais c'était plus fort que lui, à chaque fois qu'il laissait son imagination diriger son crayon, il finissait par avoir son visage sur papier. Comme maintenant, il ferma son carnet où régnait maintenant une dizaine de son portrait et le posa à ses côtés et se mit à regarder les gens autours de lui, sans vraiment les voir.

Andrew se redressa d’un coup lorsqu’il aperçu la silhouette filiforme de Jude, assis sur un banc du parc, se découper dans les rayons du soleil qui brillait sur Brown. Ses lèvres s’étirèrent en un sourire chaleureux, tandis qu’il se levait avec, pour but, d’accoster le jeune homme. Il prit une grande inspiration, et ferma les yeux. « Allez, c’est pas si terrible ! » se dit-il à lui même. Et pourtant, ça l’était. Il se sentait mollasson, comme s’il perdait tous ses moyens à la vue du jeune homme. Cependant, il prit son courage à deux mains et commença à s’avancer. Jude semblait ne pas l’avoir remarqué, bon point. Ainsi, il n’aurait pas l’air d’avoir préparé son coup. Au fur et à mesure qu’il avançait, Andy se sentait de plus en plus stressé. Il savait pourtant que sa vie, au sens propre, ne se jouerait pas dans cette conversation qu’il espérait avoir avec Jude. Mais il n’arrivait pas à se résoudre au fait qu’il y avait cinquante pour cent de chance que ça se passe mal. Comme lorsqu’on prend des risques ? Il hésita un instant à faire demi-tour, mais se détermina une bonne fois pour toutes à avancer jusqu'à ce foutu banc. Il alluma une autre cigarette en route, et comme d’habitude, se demanda pourquoi la fumée était quasiment invisible au soleil. Il rajusta ses cheveux, vérifia son haleine –la clope, c’est toujours mieux que le chacal mort-, et tira sur les pans de sa chemise. Le temps de faire tous ces ajustements, il était arrivé à la hauteur de Jude. Les choses sérieuses pouvaient commencer.

Le jeune homme leva la tête d’un air innocent, et planta ses yeux azur dans ceux d’Andy, qui se sentit rougir. Pourquoi lui faisait-il cet effet là, ils se connaissaient à peine ! Jude saisit l’épais carnet qu’il avait posé à côté de lui. Prenant ça pour une invitation à s’asseoir, Andy s’exécuta, ne sachant trop quoi dire. Pourtant, il fallait qu’il prenne la parole, car Jude ne semblait pas décidé à le faire, et la situation ne risquait pas d’avancer s’ils restaient tous deux muets comme des pierres. Mais que dire ? Parler de l’expo ? Faire comme si rien ne s’était passé ? Ou tout remettre sur le tapis. L’assurance d’Andy fondait comme neige au soleil. Il fallait faire quelque chose, cependant. Alors le jeune homme tourna le regard vers Jude, et lâcha :

« Comment tu vas ? Je veux dire, depuis l’autre soir, tu sais… »

Crétin. Crétin !! Andy se maltraitait intérieurement. « Pourquoi tu te rends aussi intéressant qu’une moule, imbécile ?? ». Jude allait très certainement le prendre pour un retardé émotionnel. Mais autant jouer le tout pour le tout.