Mercredi après-midi. Prudence avait terminé les cours à midi et demie, c'était le jour de la semaine qu'elle préférait. Après être rentrée dans son logement, déjeuné en compagnie de ses camarades de confrérie, Prue avait pris l'initiative d'aller boire un café accompagné de quelques gâteaux en ville. Elle avait d'abord penché pour Un Starbuck, dans la mesure où elle adorait ce qui y était servi, mais le temps d'attente avant d'être servie l'avait très vite refroidie, elle avait alors tourné les talons. Elle était un peu contrariée, le Starbuck était l'un de ses pêchés mignons, mais elle refusait d'attendre vingt minutes un café qu'elle mettrait une dizaine de minutes à boire, grand maximum.

La jeune femme continua son chemin, espérant trouver un petit pub dont la devanture lui donnerait une bonne impression. Il est vrai que la demoiselle ne connaissait pas beaucoup d'endroits sympathiques en ville, elle se contentait du Starbuck, et parfois du Cup Cake. Tiens, voilà un endroit auquel elle n'avait pas songé. Elle aimait cet endroit, discret et pour le moment connu que d'une centaine de personnes, mais il devenait vraiment à la mode et elle avait peur qu'il devienne aussi "branché" de sortir avec gobelet Cup Cake que Starbuck. Mais elle savait qu'à cette heure-ci, elle n'aurait pas de problème d'attente.

Se dirigeant vers le comptoir, elle passa commande puis alla s'installer sur l'une des banquettes disponibles, face à la télévision. Une chaîne musicale était diffusée, le volume était raisonnable et donnait une bonne ambiance au lieu. Un Vogue avait été oublié sur la banquette, Prudence s'en empara et l'ouvrit à la première page. Une silhouette s'approcha d'elle, elle pensait qu'il s'agissait du serveur qui lui apportait son café et ses biscuits. Elle le remercia, sans lever le nez du magasine. S'apercevant que la silhouette ne s'éloignait pas, elle leva le nez et fronça les sourcils.

Un jeune homme se tenait devant elle. Elle l'avait déjà vu à l'école, deux ou trois fois tout au plus, mais ils ne s'étaient jamais adressé la parole. Il faut dire qu'il y a tellement de monde à Brown, que connaitre l'ensemble des élèves est tout simplement impossible. Il lui avait adressé la parole, d'un ton sec, froid, méprisant, un ton auquel elle ne s'était pas attendu du tout. Il fallait être un sauvage pour s'adresser à quelqu'un de la sorte, sans même prendre la peine d'être courtois. Elle le regarda, haussant un sourcil l'air de dire "Il est pas net celui-là". Il cherchait ses clés, ça lui faisait une belle jambe à elle tiens, qu'est ce qu'elle pouvait bien en faire de toute manière ? Elle regarda autour d'elle, à vrai dire, en arrivant elle n'avait pas vraiment fait attention à ce qui se trouvait autour d'elle, mis à part le magasine qu'elle tenait actuellement entre ses deux mains. Elle regarda donc sur la banquette, se leva même pour vérifier qu'elles n'étaient pas derrière elle, mais rien. Elle posa son regard sur le sol, et là, un trousseau de clés s'y trouvait, comme par hasard tiens.
Elle les ramassa et les lui tendit, fixant de nouveau le regard du jeune homme, d'un air méprisant. Elle était décontenancée par son attitude, ce côté supérieur, autoritaire et exigeant, pour qui se prenait-il ? Prudence détestait les gens qui se comportaient d'une telle façon, surtout qu'elle était venue ici pour se détendre, et qu'elle était d'ailleurs plongée dans la lecture d'un article passionnant. Et voilà qu'un être qu'elle ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam se permettait, d'une part, de la déranger, et d'autre part de l'agresser

PRUE : « T'es vraiment pas net toi ! »

Elle ne s'était pas attendue à ce que quelqu'un vienne lui parler ici, et encore moins à ce que ce quelqu'un s'adresse à elle de la sorte, sans même prendre le temps de lui dire bonjour. Elle ne demandait pas la lune, un simple « Bonjour Mademoiselle, dis tu n'aurais pas trouvé mes clés par hasard ? » mais il semblait que son camarade de Brown était mal luné aujourd'hui, elle n'avait donc aucune raison de s'attarder sur son personnage et encore moins sur ses divagations. Elle ne baissa pas le regard, après tout, elle n'avait aucune raison de son montrer plus faible que lui, c'est lui qui l'avait agressée. Elle aurait bien eu envie de l'ignorer, de se replonger dans la lecture du magasine qu'elle aimait tant, de prendre une gorgée de café et de manger un biscuit, mais cela ferait bien trop plaisir au jeune homme, elle en était certaine. Elle avait tout son temps, contrairement à lui qui avait clairement précisé qu'il "n'a pas que ça à faire". Elle esquissa un sourire mauvais.

PRUE : « Evite de claquer la porte en sortant, tout le monde n'a pas à subir ta folie et ta mauvaise humeur. Merci. »

Le jeune homme commençait à s'emporter. Il était entré dans une fureur qui aurait presque effrayé Prudence si elle n'était pas elle-même en colère. Il venait de lui arracher sa tasse des mains, en renversant quelques gouttes de son contenu sur la table, et sur lui-même par la même occasion. Elle ne put s'empêcher d'esquisser un sourire moqueur. Il lui avait empoigné le bras, avec un peu de force tout de même, et elle pouvait presque dire qu'il lui faisait mal. Elle fronça les sourcils et haussa la voix.

PRUE : « Non mais ça ne va vraiment pas bien toi ! Tu vas commencer par me lâcher, pour qui tu te prends espèce de malade ?! »

Elle se débattit avec force, mais elle n'en n'avait pas autant que lui, c'est certains. Les gens se trouvant autour les regardaient, certains riaient de la scène, d'autres comme la dame âgée située un peu plus loin semblaient horrifiés. Non pas parce qu'ils assistaient à un début de bagarre, mais parce qu'il n'était pas dans leur habitude d'assister à un tel scandale, surtout pas entre une fille et un garçon. Mais Prue ne se démonterait pas. Bien qu'elle ne soit pas du genre arrogante et bagarreuse, elle se défendait quand elle se sentait agressée, et c'était d'ailleurs ce qu'était entrain de faire ce jeune fou. Elle sentait la colère monter en elle, et savait qu'elle pourrait en venir aux mains s'il l'agaçait vraiment. Après tout, une gifle n'a jamais tué personne. Elle n'aimait pas vraiment sentir le regard des gens posés sur elle, elle n'avait pas l'habitude de se donner en spectacle de la sorte, et elle espérait que quelqu'un intervienne rapidement, afin de ne pas avoir à en arriver au pire.

Elle redoutait que les employés du Cup Cake, ou encore un individu quelconque se trouvant dans le local ne se décide à appeler la police, elle n'avait en aucun cas envie d'avoir des ennuis, surtout pas avec les forces de l'ordre. Imaginez un peu que cela arrive aux oreilles de ses parents, ou encore au doyen de Brown, ils se feraient renvoyer tous les deux. Elle se fichait bien de sa situation à lui, à cet imbécile qui s'en prenait à elle sous prétexte qu'elle avait retrouvé ses clés, uniquement parce qu'il était venu l'agresser alors qu'elle lisait tranquillement. Elle se fichait éperdument que lui se fasse renvoyer, elle s'inquiétait pour elle et pour son avenir à Brown.

Elle le repoussa, avec plus de force qu'elle ne l'aurait imaginé. Il ne devait d'ailleurs pas s'attendre à ce qu'elle réagisse ainsi, peut être pensait-il qu'elle allait gentiment se lever et le suivre au commissariat tel un petit toutou ? Et bien il avait tout faux et ne connaissait pas la Prudence qui se cachait à l'intérieur de son corps, car jamais personne n'aurait pu imaginer qu'une petite bonne femme d'un peu plus d'un mètre soixante-cinq, aussi mince et légère qu'elle était tiendrait tête à un jeune homme, qui n'était malgré tout pas bien épais non plus. Le gabarit ne comptait pas pour elle, elle n'avait tout simplement pas envie de lui céder quoi que ce soit, pas à cet abruti.

PRUE : « Bougez-vous ?! Je ne te permets pas de me parler comme ça ! »